Justine s’obstine, Simon ne gère pas ses émotions ou Coralie vous envahit ? Vous vous reconnaissez dans les difficultés que vit Sarah ou encore, Damien se ferme comme une huître dès que vous tentez de lui parler… comme son père ? Comment expliquer que vous aimiez profondément Marion et que vous donneriez votre vie pour elle, mais qu’à certains moments, il vous passe des images de violence par la tête que vous auriez honte de raconter à votre meilleure amie ! Et que dire de la culpabilité qui vous ronge suite à ces moments où vous commencez à songer que votre vie serait bien meilleure sans elle ! « Est-ce qu’elle le ressent ? », « Est-ce qu’il en sera traumatisé ? » « Son estime d’elle sera-t-elle démolie à jamais ? »
Tout d’abord, avouons que certains enfants ont le don d’appuyer sur les boutons qui nous font sortir de nos gonds ! Tout serait tellement plus simple si « lui » ou « elle » arrêtait ces comportements qui nous énervent ! Pourtant, selon mon expérience de mère et mes nombreuses années de pratique auprès des familles, ce sont justement ces enfants qui nous font progresser le plus. Non seulement pour devenir des personnes plus aimantes et plus ouvertes pour ceux qui nous entourent, mais particulièrement pour notre propre bonheur !
« Hum… C’est bien beau en théorie ! » me direz-vous. « Mais j’ai beau essayer de me parler, de tolérer, de me dire que c’est un enfant, je finis par exploser et lui crier ma rage avec la puissance d’un ouragan ! C’est même de pire en pire ! ». Petite distinction ici : on ne parle pas de se raisonner. On parle plutôt de soulever la roche pour voir ce qui se cache en dessous.
Un exemple parmi tant d’autres…
Maélie, 10 ans, pousse régulièrement son frère, Justin, 8 ans. Elle prend toujours le plus gros morceau, la meilleure place, l’agace, etc. ce qui met sa maman hors d’elle ! Elle qui tente depuis toujours de leur inculquer des valeurs de respect, de partage et de coopération en étant elle-même un exemple pour ses enfants ! Mais visiblement, sa fille fait tout le contraire et Justin se plaint continuellement d’elle à maman qui tente d’être patiente, d’expliquer, de demander la coopération, rien n’y fait. Elle se met alors crier et punit Maélie de plus en plus sévèrement dans l’espoir qu’elle comprenne enfin. Le hic : ces punitions ont de moins en moins d’effet parce qu’elles sont imprévisibles, démesurées et sans lien avec le comportement. Maman finit donc par les laisser tomber puisque la jeune fille serait continuellement punie.
Étape 1 : Se questionner ce qu’on vit dans la situation
Dans un premier temps, la maman de Maélie a commencé par accepter de regarder sa colère en face, sans se juger. Ainsi, elle a découvert qu’elle ressentait de l’impuissance: elle avait l’impression que peu importe les moyens qu’elle prenait, Maélie faisait tout pour faire le contraire de ce qu’elle tentait de lui transmettre.
En creusant un peu, la maman a ensuite réalisé qu’elle s’était juré qu’aucun de ses enfants ne vivrait ce qu’elle a vécu avec sa sœur durant toute son enfance. En se remémorant certains souvenirs, elle a senti à quel point elle aurait eu besoin d’être protégée contre les abus de pouvoir de sa sœur aînée. Mais puisque son père était rarement à la maison et que sa mère semblait avoir peur des réactions de sa sœur, elle avait subi la situation avec un immense sentiment d’impuissance.
Après discussion, la maman a décidé de consulter pour se libérer de ce schéma d’impuissance qu’elle vivait d’ailleurs dans d’autres sphères de sa vie. Pour certaines personnes, il aurait pu être suffisant d’en prendre conscience pour apaiser la situation à la maison. Mais prendre le temps d’aller au fond des choses et se libérer d’une telle blessure peut grandement améliorer la qualité de toutes nos relations.
Étape 2 : Identifier et questionner nos croyances
La maman de Maélie avait la croyance suivante : « C’est au parent de protéger le plus jeune des abus de l’aîné ». En questionnant cette croyance, elle s’est rendu compte qu’à 8 ans, Justin pouvait développer des moyens pour prendre sa place et s’affirmer. D’ailleurs, elle avait remarqué il y a quelques mois, qu’il ne prenait pas sa place non plus à l’école. Elle avait donc insisté pour que les adultes le protègent mieux, intervention qu’elle questionnait maintenant, à la lumière de ce qu’elle venait de découvrir.
Étape 3 : Choisir des objectifs clairs et des moyens pour les atteindre
Si Maélie, était le symptôme dérangeant dans la dynamique, il nous est apparu que Justin avait aussi des habiletés à développer ! Nous avons donc mis en place des moyens pour lui apprendre à s’affirmer avant de réclamer l’aide d’un adulte. Si l’adulte devait ensuite l’accompagner, c’était d’abord dans le but de le soutenir dans son affirmation, puis pour intervenir dans le cas où l’autre ne coopérait pas pour régler la situation.
Pour Maélie, nous l’avons soutenue et valorisée chaque fois qu’elle témoignait des aptitudes de partage ou de collaboration lors d’un conflit. Aussi, lorsqu’elle continuait à agacer son frère malgré 2 rappels, elle était retirée du jeu 1o minutes et devait trouver une façon de s’occuper seule ou de jouer respectueusement avec son frère.
Quant à maman, elle devait d’abord s’assurer que Justin avait tenté de s’affirmer avant de lui offrir son soutien. Aussi, plutôt que d’accourir lorsqu’ils se querellaient, elle s’est mise à leur demander de venir la voir tous les deux : ce désagrément les a motivés à trouver plus souvent des solutions par eux-mêmes… Enfin, lorsque maman sentait qu’elle s’impatientait, elle prenait quelques bonnes respirations, appliquait les conséquences en agissant de manière neutre et se rappelait qu’elle avait encore plusieurs années pour faire de ses enfants des adultes responsables… mais imparfaits !
En conclusion : tout le monde en bénéficie !
Au bout d’un moment, les chicanes et les conséquences ont beaucoup diminués. Maman a repris plaisir à être avec sa fille, leur lien s’est grandement renforcé et elles ont toutes deux confiance que Maélie développera ses aptitudes pour la coopération au fil du temps. Maman a aussi a constaté que Justin était bien plus débrouillard qu’elle ne le croyait !
Et, bénéfice inattendu, la relation avec sa propre sœur, qui était conflictuelle depuis toujours, s’est améliorée. Bon, elles ne sont pas devenues les meilleures amies du monde, leurs valeurs étant à l’opposé. Mais la maman de Maélie peut désormais voir sa sœur sans rancœur ni animosité… ce dont grand-maman s’est grandement réjoui !
_______________________________
Oui, il arrive que certains enfants aient le don particulier d’éclairer les endroits les plus sombres de notre jardin intérieur, alors qu’il nous semblerait tellement plus confortable de les ignorer. Mais c’est un peu comme s’ils avaient la mission secrète de nous offrir une occasion de se libérer de ces mémoires qui nous alourdissent… En se prêtant au jeu, en ayant l’humilité de rechercher la leçon dans cette impasse relationnelle, nous nous offrons la chance de déployer nos ailes et d’aimer plus librement !